Position sur l’accès aux soins de santé
Ce document constitue l’énoncé de position d’Inclusion Canada sur l’accès aux soins de santé. À Inclusion Canada, nos énoncés de position guident notre plaidoyer et notre travail. Ils aident à définir notre vision de l’inclusion.
Aperçu
Les personnes ayant une déficience intellectuelle ont droit au meilleur état de santé possible, et ce, sans discrimination.i Ce droit n’est toutefois pas réalisé pleinement au Canada. Pour réaliser celui-ci, toutes les personnes ayant une déficience intellectuelle doivent bénéficier d’un accès équitable aux soins de santé.
Inclusion Canada recommande d’assurer un accès équitable aux soins de santé en éliminant les obstacles existants, en renforçant la capacité d’offrir des soins inclusifs dirigés par la personne et en adoptant une approche coordonnée au changement. Ces efforts doivent être jumelés à des initiatives plus vastes qui répondent au capacitisme systémique et à sa relation avec les déterminants sociaux des problèmes de santé.
Tout au long de ce document, des récits anonymisés mettent en lumière les obstacles auxquels se heurtent les personnes ayant une déficience intellectuelle en matière d’accès aux soins de santé.
Histoire de Justin. Justin vit avec son frère jumeau Sam. Sam avait remarqué que Justin se sentait mal lorsqu’il devait quitter la maison et qu’il ne semblait plus apprécier ses passe-temps préférés. Sam a demandé à ses réseaux de recommander un thérapeute qui avait de l’expérience avec les personnes ayant une déficience intellectuelle. Tout le monde était d’accord pour dire que la meilleure option était le docteur Jones. Le seul problème était que le docteur Jones n’acceptait pas de nouveaux patients. Sam a aidé Justin à trouver d’autres options, mais on lui a dit à maintes reprises : « Désolé, je n’ai pas l’expertise dont vous avez besoin. » Pendant ce temps, la santé mentale de Justin s’est détériorée au point où il a dû être admis à l’hôpital en état de crise
Contexte politique
Pourquoi l’accès équitable à des soins de santé de qualité est-il une priorité pour Inclusion Canada?
L’accès aux soins de santé est une priorité pour Inclusion Canada, car ceux-ci affectent profondément la vie des gens. Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont plus susceptibles d’avoir besoin d’un accès aux soins de santé et moins susceptibles d’obtenir un accès équitable.
La déficience intellectuelle n’est pas une maladie ou une cause de décès. On sait cependant qu’elle coexiste avec des problèmes médicaux qui nécessitent l’accès aux soins de santé. Les personnes ayant une déficience intellectuelle et un trouble de santé concomitant peuvent être soumises à des séjours prolongés à l’hôpital, ce qui est associé, pour toute personne, à un risque accru d’infection et de dommages physiques et psychologiques.
Les personnes ayant une déficience intellectuelle ont une durée de vie plus courte que la population générale. Et pourtant, nous savons qu’une mort prématurée n’est ni naturelle ni donnée. Le capacitisme est la croyance qu’il est « normal » de ne pas être en situation de handicap et qu’être « normal » est préférable. Le capacitisme, comme le sexisme, le racisme et d’autres formes de discrimination, rend les gens malades. Le capacitisme amène également le personnel du système de santé à ignorer l’expérience vécue, à imputer les symptômes à la situation de handicap de la personne et à lui retirer son soutien en croyant que rien ne pourra l’aider. Cela est à l’origine des nombreux obstacles auxquels se heurtent les personnes ayant une déficience intellectuelle en accédant aux soins de santé au Canada.
Il est possible d’obtenir des soins de santé dignes et de qualité. Certains Canadiennes et Canadiens ayant une déficience intellectuelle ont vécu des expériences positives en matière d’accès aux soins de santé tout au long de leur vie. C’est particulièrement le cas pour ceux qui disposent de mesures de soutien solides, qui sont familiers avec l’autoreprésentation et qui ont une approche bien établie en matière de prise de décisions médicales. Cela peut aussi être le cas pour ceux qui ont des relations à long terme avec des médecins bien formés et ouverts d’esprit. Ces deux types de réussites individuelles montrent ce qui est possible de réaliser.
Que faut-il faire?
Bien que la santé soit une question de compétence provinciale au Canada, les dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) s’appliquent à toutes les parties des États fédéraux sans aucune limitation ni exception. Pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, cela signifie que le gouvernement fédéral a un rôle prépondérant à jouer dans la promotion de l’accès aux soins de santé.
L’accès équitable à des soins de santé de qualité est une priorité absolue pour les Canadiennes et Canadiens. Alors que les décideurs progressent vers une réforme en réponse à la pandémie de COVID-19, la santé et le bien-être des personnes ayant une déficience intellectuelle ou autre doivent être prioritaires. Les besoins uniques des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leurs familles ne peuvent plus être considérés comme une question secondaire par rapport aux priorités du grand public.
Histoire de Johanna. Lorsque le médecin de famille de Johanna a pris sa retraite, elle a passé plus de temps que la plupart des gens à attendre un nouveau médecin. Le bureau de son nouveau médecin devait être accessible par transport en commun, car son budget limité ne lui permettait pas de se payer un transport adapté supplémentaire par taxi. Lors de son premier rendez-vous, le nouveau médecin de Johanna a déclaré qu’il était surpris qu’elle n’ait jamais eu de mammographies. Il a demandé à Johanna pourquoi elle les avait refusées antérieurement, mais elle ne se souvenait pas d’avoir été questionnée à propos du dépistage du cancer du sein. Le médecin l’a aidée à prendre rendez-vous à un hôpital qui dispose d’un appareil de mammographie accessible. Afin que Johanna puisse mettre de l’argent de côté pour les frais de transport, ils ont choisi de fixer le rendez-vous pour quelques mois plus tard. Johanna a obtenu un diagnostic de cancer du sein à un stade avancé qui aurait dû être détecté plus tôt.
Discussion
Voici quelques exemples de la façon dont le capacitisme rend malades les personnes ayant une déficience intellectuelle :
L’éducation aide une personne à obtenir un emploi bien rémunéré et à prendre des décisions concernant sa santé. Les personnes ayant une déficience intellectuelle ont un accès limité à l’éducation et elles sont moins susceptibles d’avoir la possibilité de poursuivre des études supérieures. Apprenez-en davantage à Inclusive Education Canada.
Le fait de posséder un emploi bien rémunéré permet à la personne de dépenser de l’argent pour des choses qui la maintiennent en bonne santé et fournit une routine et des réseaux sociaux qui favorisent le bien-être. Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont plus susceptibles d’être sous-employées et au chômage. Pour en savoir plus, consultez la position d’Inclusion Canada sur le travail et l’emploi.
Le fait d’avoir un revenu suffisant et constant permet à la personne de se payer des aliments nutritifs, un logement sûr, un transport fiable et d’autres nécessités. Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont beaucoup plus susceptibles que la population générale de vivre dans la pauvreté. Pour en savoir plus, consultez les positions d’Inclusion Canada sur la sécurité du revenu pour les particuliers et la sécurité du revenu pour les familles.
Le fait d’avoir un logement sûr, accessible, stable et dirigé par la personne a un impact positif sur la santé. Être placé en institution ou sans-abri a un impact négatif sur la santé. Pour en savoir plus, consultez la position d’Inclusion Canada sur le logement.
Voici des exemples d’obstacles auxquels font face les personnes ayant une déficience intellectuelle dans les systèmes de santé du Canada :
Soins de santé primaires. La plupart des cliniques de soins primaires sont bondées de monde et elles sont trop stimulantes. Les rendez-vous médicaux sont souvent précipités. L’information est rarement facile à comprendre. Le personnel du système de santé ne traite pas toujours les personnes ayant une déficience intellectuelle avec respect. Lorsqu’une personne exprime sa peur ou son mécontentement, elle risque d’être étiquetée comme récalcitrante ou violente, ce qui conduit souvent à la sédation ou à l’utilisation de moyens de contention.
Prise de décision médicale. Le droit de choisir d’une personne peut être menacé dans le contexte médical. La prise de décision assistée n’est pas encore la norme au Canada. Pour en savoir plus, consultez la position d’Inclusion Canada sur la capacité juridique.
Diagnostic et prévention des maladies. Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont moins susceptibles de subir un dépistage systématique du cancer, dont le test Pap, la mammographie et la coloscopie. Cela peut se produire pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’un professionnel de la santé décide que le test causera un état de détresse, qu’une clinique ne dispose pas suffisamment d’aides ou d’équipement pour transférer la personne de son fauteuil roulant, que la personne a besoin d’un examen de dépistage spécialisé (p. ex., une IRM sous sédation) ou en raison de la nécessité de fixer un rendez-vous de suivi à cause des limites auxquelles les heures de rendezvous sont assujetties, ce qui impose des obstacles administratifs et logistiques aux tests.
Soins de santé en temps d’urgence. Pendant la pandémie de COVID-19, la déficience intellectuelle est devenue dans certaines provinces un motif de triage et d’exclusion des soins vitaux. Les proches aidants essentiels n’étaient pas autorisés à entrer dans les hôpitaux. Bien que les personnes ayant une déficience intellectuelle soient plus susceptibles d’obtenir un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19, d’être hospitalisées pour la COVID-19 et de mourir de la COVID-19, la couverture vaccinale a été faible en raison d’une multitude d’obstacles.
Santé mentale. L’approche unique du Canada en matière de soins de santé mentale dessert mal les personnes ayant une déficience intellectuelle et met moins d’options à leur disposition. De nombreux professionnels de la santé mentale ne se sentent pas outillés pour diagnostiquer et traiter les personnes présentant une déficience intellectuelle et un trouble de santé mentale concomitant. Certaines personnes voient leurs symptômes considérés comme faisant partie des comportements ou de la vie d’une personne ayant une déficience intellectuelle. D’autres sont surmédicamentés avec des médicaments utilisés en psychiatrie.
Aide médicale à mourir (AMM). En 2021, le Canada a légalisé le suicide assisté par un médecin pour les personnes en situation de handicap qui sont admissibles. Les personnes ayant une déficience intellectuelle ou autre signalent que la loi canadienne sur l’AMM a érodé la confiance et rendu l’accès aux soins de santé moins sécuritaire. Pour en savoir plus sur la position d’Inclusion Canada sur l’aide médicale à mourir.
Histoire de Nicolas. L’expérience négative de Nicolas a commencé au triage. Les parents de Nicolas pouvaient voir que les infirmières étaient mal à l’aise avec lui et qu’elles étaient même peut-être un peu effrayées. Lorsqu’il a été admis, on lui a administré une forte dose de médicaments pour gérer sa douleur et probablement aussi son comportement, selon ses parents. Puisque Nicolas était trop médicamenté, il n’a pas excellé durant le suivi en physiothérapie. Son plan de traitement en physiothérapie n’a pas progressé comme prévu. Son congé a été retardé, et on a suggéré que Nicolas pourrait bénéficier de l’utilisation à long terme d’un fauteuil roulant. Comme c’est souvent le cas, Nicolas a aussi contracté une infection pendant son hospitalisation.
Inclusion Canada est d’avis qu’il est urgent d’agir dans les sphères suivantes :
Éliminer les obstacles en modifiant les systèmes et la culture
Permettez que les soins soient dirigés par la personne et faites la promotion de plans d’accès personnalisés. Faites en sorte que des mesures d’accommodement soient pleinement disponibles, telles que des rendez-vous à domicile, des mesures de soutien et des espaces d’examen adaptés aux sensibilités sensorielles ou environnementales, ainsi que des rendez-vous plus longs.
Faites en sorte que la prise de décision médicale à l’aide du modèle de prise de décision assistée soit possible. Protégez le droit de prendre des décisions des personnes ayant une déficience intellectuelle.
Améliorez l’accès à l’information. Offrez un accès généralisé aux informations en matière de santé dans un langage clair et simple et dans des formats faciles à comprendre.
Intégrez les soins et investissez dans la navigation des patients. Fournissez du soutien aux personnes ayant une déficience intellectuelle, à leurs familles et au personnel rémunéré, car ils naviguent dans des systèmes de santé complexes trop souvent cloisonnés.
Rendez obligatoire la formation de routine en sensibilisation à la condition des personnes en situation de handicap, au capacitisme et aux obstacles connexes pour les professionnels, le personnel et les étudiants travaillant dans les domaines des soins de santé et de la médecine, y compris ceux qui fournissent des soins de santé mentale. La formation devrait être conçue et dirigée par des personnes ayant une déficience intellectuelle ou autre et leurs familles.
Renforcer les capacités des soins inclusifs dirigés par la personne
Fournissez à tout le personnel des systèmes de la santé les connaissances fondamentales nécessaires pour faciliter l’accès des personnes ayant une déficience intellectuelle aux soins de santé à tous les points d’accès de leur milieu. Faites la promotion de l ’accès universel à des soins de santé inclusifs partout au Canada.
Développez un réseau d’expertise professionnelle. Tout le personnel du système de santé doit être en mesure de consulter et, le cas échéant, de se référer aux collègues qui possèdent une plus grande expertise dans l’évaluation, l’accommodement ou le traitement des personnes ayant une déficience intellectuelle.
Promouvez et établissez fermement l’utilisation de la conception universelle au sein des soins de santé et évitez la ségrégation dans les cliniques spécialisées. Selon la CRDPH des Nations-Unies, la conception universelle désigne « la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale. La “conception universelle” n’exclut pas [les accommodements] pour des catégories particulières de personnes handicapées là où ils sont nécessaires ».
Reconnaissez les expériences vécues :
Écoutez les autoreprésentants, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur corps.
Désignez et habilitez les aidants essentiels. Les familles et les travailleurs de soutien de confiance jouent un rôle essentiel en aidant les personnes ayant une déficience intellectuelle à accéder aux soins de santé. Ils connaissent les préférences, la base de référence et le style de communication de la personne.
Histoire de Wren. Wren est la mère d’une personne ayant une déficience intellectuelle vivant dans une ville éloignée dans les Prairies. Quand la fille de Wren s’est plainte d’un mal d’oreille, elle a pris rendezvous à la clinique de sa ville. À son arrivée, le personnel administratif lui a demandé si Wren était au courant qu’il y avait une nouvelle clinique spécialisée qui venait d’ouvrir dans une ville voisine et qui offrait des soins à des « personnes comme sa fille ». Wren a expliqué qu’il était important que sa fille puisse avoir accès à des soins de santé près de chez elle, tout comme ses voisins et n’importe qui d’autre. Elle a précisé que de diriger sa fille vers un spécialiste ne serait bénéfique que si sa douleur était symptomatique de sa déficience, ce qui n’était pas le cas, selon elle. L’infection dans l’oreille de la fille de Wren s’est rapidement améliorée avec un antibiotique.
Adopter une approche coordonnée pour améliorer l’accès aux soins de santé
Investissez dans la recherche. Élaborez un programme national de recherche axé sur les politiques et les systèmes de santé en matière de handicap. Mettez sur pied des projets pilotes visant à réduire les obstacles et à promouvoir l’accès aux soins de santé des personnes ayant une déficience intellectuelle. En tant que système de santé apprenant, mettez en œuvre, évaluez et faites progresser des projets d’amélioration des soins et des services de la santé.
Surveillez et évaluez dans quelle mesure le secteur de la santé permet ou soutient l’accès aux soins de santé. Surveillez les interventions qui fonctionnent et celles qui doivent être améliorées.
Financez et mettez en œuvre une stratégie nationale sur la santé mentale des personnes ayant une déficience intellectuelle.
Intégrez l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les plans de préparation et d’intervention en cas d’urgence sanitaire.
Améliorer l’équité en matière de santé pour cette population dans l’ensemble du Canada
Adoptez une stratégie d’équité en matière de santé coordonnée par le gouvernement fédéral pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou autre. La stratégie d’équité en matière de santé devrait aborder a) l’accès aux soins de santé, b) les déterminants sociaux de la santé et c) le capacitisme médical. La stratégie d’équité en matière de santé devrait mobiliser un large éventail de professionnels de la santé et être conçue conjointement avec les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles.
Intégrez l’inclusion de la situation de handicap au sein de tous les efforts émergents de changement dans les systèmes de santé. L’accès équitable aux soins de santé figure à l’ordre du jour des réformes politiques dans tout le Canada. Les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles, dans toute leur diversité, doivent être adéquatement prises en considération et incluses. Ce travail ne peut pas attendre.
